Bretteurs de papier
En me connectant ce soir j’avais dans l’idée de traiter de la curieuse concordance des temps qui fait qu’au moment même où le gouvernement enclenche le processus devant mener à une dépénalisation sans précédent du droit des affaires, ce sont justement les affaires EADS et UIMM qui défrayent la chronique. Je voulais vous parler de l’avis du juge Halphen là-dessus, de celui d’Eva Joly, de cette rupture - si nécessaire celle là - et pourtant visiblement si difficile à réaliser. J’ai donc commencé un petit tour des sites internet d’information (Libération, Le Figaro, Le Monde, Rue 89, …). Et je suis tombé sur une polémique qui m’a fait oublier mon sujet de départ. Car sans que cela n’alarme beaucoup de monde, la polémique sur la liberté de la presse en France, qui avait été particulièrement vive lors de la dernière élection présidentielle, vient de rebondir violemment.
A ma droite, Jean-Michel Aphatie, chroniqueur au verbe fleuri et à la langue bien pendue. A ma gauche, Alain Girard, premier secrétaire général du premier syndicat de journalistes, le SNJ. Aphatie, dans une chronique au vitriol sur son blog, pourfend les biens pensants pour qui la presse ne peut être que forcément tenue par le pouvoir de ses financeurs (propriétaires, actionnaires, annonceurs, …). Girard, dans une interview donnée à Libération dénonce à l’inverse une mainmise de plus en plus forte des politiques et des financiers sur la profession. Morceaux choisis :
Pour Apathie, en n’hésitant pas à faire ses gros titres des affaires UIMM et EADS Le Figaro, je cite « réputé de droite, réputé inféodé au pouvoir, fait son travail d'information dans une société démocratique ». A l’inverse, pour Girard, je cite encore, on assiste à « une ingérence de plus en plus forte du pouvoir politique dans les médias et à la mainmise de quelques grands industriels - dont les liens avec le pouvoir en place ne sont plus à démontrer - sur la profession ». Pour Aphatie, s’offusquer de cette prétendue mainmise n’est pas honnête, intellectuellement parlant, et revient à faire montre, je cite toujours, « d’autosatisfaction, gloriole et mépris » à l’égard même du métier que les tenants de ces propos sont censés défendre. A l’inverse, Girard évoque des, je cite une dernière fois, « menaces qui s’aggravent sur la profession » et cite en exemple les crises traversées récemment par La Tribune et Les Echos.
Où se trouve alors la vérité, dans l'édito Aphatien ou dans l'interview de Libé? ... Sans doute est-elle située à mi-chemin. Mais si elle se trouve à mi-chemin n'est-ce pas déjà assez grave? N’est-ce pas en soi déjà assez alarmant pour un pays qui, héritages de la Révolution et de la Résistance obligent, se veut irréprochable dans le domaine de la liberté d'expression! En illustration de ce post, pour appeler ces deux bretteurs à plus de modestie et leur rappeler qu’il fait tout de même plutôt bon d’être journaliste en France - et ce malgré des pressions que seul un vieux barbon comme Apathie peut se permettre de nier – je vous propose de jeter un œil sur la vidéo jointe. Il s’agit d'un petit clip de Reporters sans frontières. Le message qu'il fait passer était valable début 2005, date de sa sortie, il l'est malheureusement toujours aujourd'hui. Bon visionnage.
Reporters Sans Frontières
envoyé par Templarius